Pas à pas vers la réintégration : 10 Questions, 10 Réponses

Certains domaines de recherche, de politique et de pratique sont inéluctablement et de manière inhérente sujets à controverse et à contestation. Mais même dans ces domaines, et bien que notre compréhension ne cesse de progresser et puisse toujours s’améliorer, il est possible de constater un large consensus sur certaines questions entre chercheurs, décideurs politiques et praticiens.

Ces informations ne sont généralement pas accessibles à un large public. Au contraire, seules les nouvelles découvertes sortant de l’ordinaire feront l’objet d’une grande attention. Pourtant, dans le domaine de la réhabilitation, de la réintégration sociale et de la probation, il est important de mettre ces connaissances à portée du grand public, des politiciens, des décideurs et des collaborateurs spécialisés dans ce domaine ; bien que ces collaborateurs soient souvent des experts en matière de pratiques locales, ils sont nombreux à ne pas accéder à de telles informations et recherches. Aussi bien les connaissances académiques que professionnelles devraient être prises en compte dans les débats publics, les processus décisionnels, le perfectionnement professionnel et l’innovation.

Pour la CEP, il est d’autant plus important de rendre compte de cette réalité dans un domaine où l’émotion, l’intuition et le «bon sens» semblent dominer le débat public. Une initiative a donc amené à charger le Groupe de recherche travaillant avec des clients sous contrainte de l’Université des sciences appliquées – Hogeschool Utrecht (HU), de recueillir et d’organiser des informations scientifiques de pointe sur la réhabilitation des délinquants, qui sont pertinentes pour le grand public, les politiciens, les décideurs politiques et les professionnels de la probation.

Ces informations sont présentées ci-dessous sous forme de questions et réponses. Les connaissances académiques et scientifiques appliquées viennent se combiner ici pour décrire le monde des sanctions et mesures appliquées dans la communauté. D’éminents experts y ont apporté leurs contributions.

1. Pourquoi commet-on des délits?

par Rob Canton, Université de Montfort, Leicester (Royaume-Uni)

Les tentatives de réponse à la question de savoir pourquoi les gens commettent des crimes pourraient remplir une bibliothèque entière. Nombre de criminologues se demandent actuellement si c’est la bonne question. Toutes les définitions (contestées) du crime comportent une telle diversité de comportements qu’aucune explication ne saurait être complète. Les chercheurs ont parfois abordé la question en se demandant ce qu’il y a de particulier chez les délinquants et ont essayé de trouver des différences biologiques (souvent génétiques), psychologiques (peut-être liées à des expériences vécues dans l’enfance) ou sociologiques (en considérant les influences de la société au sens large, de la culture ou du contexte socio-économique). Beaucoup de ces questionnements trouvent une place pour tous ces facteurs. Mais la criminologie s’est ici montrée sélective, s’interrogeant souvent sur certains types de crimes tout en ignorant d’autres. (Qui cherche un gène afin d’expliquer la rapacité des criminels en col blanc? Ou les crimes violents perpétrés par des chefs de gouvernement?) Des hypothèses contestables sont à la base de ces recherches, à savoir que la plupart des gens n’enfreindraient pas la loi (même s’il y a de bonnes raisons de croire que la plupart d’entre nous commettons un ou plusieurs crimes au cours de notre vie), et que quelque chose différencierait les délinquants des autres personnes. Pourtant, même les délinquants les plus prolifiques se comportent la plupart du temps comme tout le monde.

En ce qui concerne le travail de probation, le constat d’une étude influente était que beaucoup de délinquants ont des aptitudes réflexives réduites ou des déficiences cognitives. Cela enduit une capacité limitée à penser aux conséquences de leurs actes, mais peut aussi inclure toute une série d’autres limitations cognitives et sociales, ainsi qu’une empathie réduite pour les victimes et autrui. Puisqu’il y a un lien étroit et une influence réciproque entre pensées, comportements et sentiments, ces idées ont été utilisées pour concevoir des programmes de travail sur les comportements délictueux en s’appuyant sur la psychologie cognitivo-comportementale (il convient de noter au passage que l’accent – mis sur les liens existant entre pensées, que les programmes «traitent», et comportements – a souvent amené à une relative négligence et parfois un oubli total de l’importance des ressentis).

Les agents de probation sont cependant conscients que beaucoup de leurs clients sont lourdement désavantagés sur le plan social. Bien que le behaviorisme cognitif ne nie pas l’importance des facteurs sociaux, il y a le risque, en se concentrant sur les pensées, les comportements et les ressentis des individus, que d’autres façons d’appréhender le crime soient marginalisées – notamment en ce qui concerne les liens entre délinquance, inégalité sociale et injustice. Cette critique est d’autant plus aigüe lorsque l’on considère la situation de certains groupes, probablement surtout les femmes et les délinquants issus de groupes ethniques minoritaires, dont le comportement délictueux et les expériences en matière de justice pénale ne peuvent être pleinement compris que dans un contexte sociopolitique plus large. Les recherches sur le désistement et le «Good Lives Model» [modèle des vies saines], tous deux portant sur la réinsertion des délinquants, ont commencé à remédier à cette situation en reconnaissant l’importance de l’inclusion sociale et en insistant sur le fait que le désistement et la réhabilitation incitent aux changements d’attitude et de comportement chez l’individu, mais aussi à la création des opportunités sociales justes favorisant une vie exempte de délit. La probation a ainsi la responsabilité d’encourager la société à agir en faveur de l’inclusion sociale et de permettre à ses clients d’accéder aux services et opportunités dont ils ont besoin – et de ne pas seulement s’intéresser à l’influence individuelle sur le comportement délictueux.

2. Comment et pourquoi sort-t-on de la délinquance?

par Lila Kazemian, Université de la Ville de New York (États-Unis)

La valeur et l’importance d’étudier le désistement, notamment après le début des efforts d’intervention, ont été abondamment soulignées dans la littérature. Les indicateurs prévisionnels du désistement peuvent relever de quatre catégories principales: biologique, sociologique, cognitive et psychosociale.

Indicateurs biologiques du désistement
Outre les effets directs du vieillissement sur le désistement et les changements biologiques liés à l’avancée dans l’âge qui entraînent une réduction de l’activité criminelle, des études récentes se sont penchées sur le rôle joué par les facteurs génétiques dans le processus de sortie de la délinquance. Les chercheurs ont découvert des influences génétiques significatives aussi bien sur le mariage que sur le désistement du crime. Leurs résultats ont montré que le mariage restait un facteur explicatif important du désistement même après avoir contrôlé pour les influences génétiques, mais l’effet était fortement atténué.

Indicateurs sociaux du désistement
Un vaste ensemble d’études sur le désistement a attiré l’attention sur l’importance des liens sociaux dans le processus de sortie de la délinquance, notamment le mariage et l’emploi. Le désistement du crime est dès lors compris comme un processus graduel résultant de l’accumulation de liens sociaux. Par exemple, la stabilité liée au mariage et au travail aurait une plus grande incidence sur le désistement si elle est atteinte conjointement dans ces deux domaines. Outre l’effet direct du contrôle social accru, le mariage et l’emploi favorisent également le renoncement au crime en modifiant les activités quotidiennes de l’individu et en limitant son accès à des opportunités criminelles. De même, quelques auteurs ont avancé que le mariage et le travail contribuaient au désistement grâce aux interactions plus nombreuses avec le conjoint et/ou des collègues prosociaux, mais aussi parce que le temps à disposition pour fréquenter des amis potentiellement «déviants» est réduit.
La célèbre étude sur les jeunes délinquants effectuée dans les années 1950 («les sujets des Glueck») suggérait que le service militaire constituait un tournant important dans le processus de désistement, mais les analyses basées sur des échantillons plus récents ont abouti au constat contraire. Davantage de nouvelles études reposant sur des échantillons d’individus ayant accompli le service militaire sont nécessaires.

Étant donné les différentes restrictions légales imposées aux individus avec des antécédents judiciaires, les politiques sociales (ainsi que les réactions informelles au sein de la famille et de la communauté) favorisent l’étiquetage et la stigmatisation et réduisent aussi considérablement les chances de réussite du désistement.

Indicateurs cognitifs du désistement
Dans la littérature, une discussion exhaustive a eu lieu dans le cadre de la théorie de la transformation cognitive concernant les facteurs cognitifs impliqués dans le processus du désistement, définis comme des changements cognitifs favorisant la sortie de la délinquance. Quatre processus de transformation cognitive sont donc décrits. Premièrement, le délinquant doit être ouvert au changement. Deuxièmement, grâce à un processus de libre-choix, l’individu s’expose à des expériences prosociales qui favorisent également le désistement (p. ex., l’emploi, etc.). Troisièmement, l’individu adhère à une nouvelle identité prosociale et non criminelle. Finalement, il y a une nouvelle perception de la vie criminelle, autrement dit les conséquences négatives de la délinquance deviennent évidentes.

Plusieurs auteurs ont souligné l’importance de la transformation de l’identité dans le processus du désistement, leur argument étant que pour sortir du crime les ex-délinquants ont besoin de se créer une nouvelle identité convaincante, crédible et positive, et de séparer dans une certaine mesure leur identité passée de leur identité actuelle.

D’autres facteurs cognitifs identifiés dans la littérature sur le désistement incluent des techniques de neutralisation et d’attribution de blâme, l’optimisme concernant le désistement éventuel, ainsi que la résolution et la détermination. L’usage de drogues est un indicateur comportemental qui influence les processus cognitifs et qui constitue un obstacle important à la réussite du désistement.

Indicateurs psychosociaux du désistement
L’une des dimensions les plus intéressantes du désistement concerne la manière dont les prédispositions individuelles et les événements de la vie convergent pour favoriser ce processus. De nombreux chercheurs conviennent que le désistement est susceptible de résulter de l’influence combinée de facteurs sociaux et cognitifs. D’autres résultats indiquent que des états subjectifs ont un effet direct et indirect sur la récidive à cause de leur impact sur les conditions sociales. Les individus avec un esprit positif et un réseau social qui les soutient sont mieux préparés pour faire face aux problèmes, résister aux tentations et éviter les revers, à condition que les obstacles ne soient pas excessifs. Le désistement est donc considéré comme étant influencé par un système d’interactions entre différents facteurs internes et externes.

3. Quel impact le personnel de probation a-t-il en matière de conseil lors de la détermination de la peine et dans la promotion des sanctions et mesures appliquées dans la communauté?

par George Mair, Université de Liverpool Hope (Royaume-Uni)

La détermination de la peine est un processus complexe et subtil. La sanction à l’encontre d’un délinquant est prononcée par des juges disposant de peu d’informations ou de peu de connaissances indépendantes et objectives concernant l’accusé, sa situation, ou le contexte plus large dans lequel le crime a été commis. Dans les systèmes judiciaires accusatoires notamment, les avocats de la défense présentent leurs clients de manière aussi positive que possible dans le but d’obtenir une peine clémente, alors que les procureurs, bien au contraire, visent plutôt une sanction lourde et décrivent le délinquant en conséquence.

Dans le cadre de ces revendications largement biaisées et conflictuelles, les agents de probation peuvent fournir une appréciation plus «objective» du délinquant et préciser quels avantages et inconvénients présentent les éventuelles sanctions. Bien que la portée des rapports préparés par le service de probation à l’attention des autorités judiciaires ait été restreinte et que le temps à disposition pour l’élaboration d’un rapport ait été limité dans certaines juridictions (par exemple, les rapports oraux faits le jour même ont connu une hausse drastique en Angleterre et au Pays de Galles au cours de la dernière décennie), le personnel de probation peut fournir une opinion raisonnablement indépendante concernant la manière dont l’auteur de délit est susceptible de réagir à la sanction. Et comme nous savons qu’une peine a plus de chances d’être accomplie et que la récidive est moins probable si le condamné réagit de manière positive à la punition (autrement dit, s’il perçoit la sanction comme légitime), le conseil fourni par les agents de probation serait alors une composante précieuse dans le processus de détermination de la peine.

De nombreuses études révèlent un fort taux de concordance entre les propositions formulées par les agents de probation et les jugements rendus par les tribunaux, et bien qu’il doive y avoir d’autres raisons (les services de probation anticipent les décisions des juges), cela suggère que les informations et conseils fournis par des agents de probation aux juges pour les aider dans le processus décisionnel ont un impact considérable.

Cependant, le personnel de probation n’est pas ici totalement désintéressé. La formulation de conseils aux juges joue un rôle essentiel dans la promotion des sanctions appliquées dans la communauté. Premièrement, la variété et la combinaison de ces mesures pouvant s’avérer difficiles à gérer, les juges ont besoin de rester conscients de l’existence et du potentiel des sanctions appliquées dans la communauté en tant que mesures judiciaires efficaces.

Deuxièmement, en favorisant les sanctions appliquées dans la communauté, les agents de probation peuvent efficacement dissuader les juges de prononcer des sanctions plus punitives, tout en évitant aux délinquants une peine privative de liberté. Cela permettrait de réduire la population carcérale et de recourir à des sanctions plus humaines et efficaces, car tout porte à croire que les sanctions appliquées dans la communauté sont au moins aussi efficaces que la privation de liberté pour ce qui est des taux de nouvelles condamnations, tout en étant considérablement moins coûteuses.

Troisièmement, si les agents de probation ne promouvaient pas activement les sanctions appliquées dans la communauté, qui ferait constamment valoir auprès des juges l’intérêt d’une approche en matière de détermination de la peine moins punitive et plus réfléchie? Et cela peut contribuer de manière modeste, mais significative à ralentir la croissance de la culture punitive – même si espérer renverser la tendance serait avoir de trop grands espoirs.

Le personnel de probation ne dispose pas d’une vitrine où exposer son offre ; seul le tribunal constitue un endroit approprié où la probation peut proposer ses services à ses principaux consommateurs – les juges. Bien que la principale tâche des agents de probation soit d’assurer le suivi des délinquants dans la communauté, leur rôle le plus influent est peut-être celui de fournir des conseils contribuant à la détermination de la sanction et ainsi promouvoir le recours aux sanctions appliquées dans la communauté.

4. Quels effets la probation a-t-elle sur la réduction de la récidive et le soutien au désistement?

par Fergus McNeill, Université de Glasgow (Royaume-Uni)

Dans la plupart des juridictions, la réduction de la récidive a longtemps été le principal objectif poursuivi par les services de probation. Cela dit, il n’est vraiment pas simple d’évaluer l’efficacité de la probation dans ce domaine.

D’une part, la récidive n’est pas facilement mesurable ; son indicateur habituel – les nouvelles condamnations – est le résultat d’une série de processus sociaux (contenant tous d’éventuels biais). En outre, la récidive est différemment définie et mesurée dans les divers cadres (nouvelle arrestation, nouvelle condamnation et nouvelle mise en détention) et à différents moments ; et l’utilisation d’une mesure binaire (oui ou non) pour les nouvelles condamnations ne tient pas compte de la gravité ni de la récurrence de ces dernières.

D’autre part, la «probation» elle-même ne constitue pas une intervention unique et uniforme d’un genre facile à définir ; les sanctions appliquées dans la communauté peuvent prendre des formes très différentes et être régies par des conditions juridiques, des processus interpersonnels et des stratégies d’intervention très divers. Même lorsque les mandats de probation ont l’air d’être les mêmes sur le plan formel, la nature du suivi de probation (et son impact) dépend dans une grande mesure des relations entre le superviseur et le supervisé.

Et si les résultats sont difficiles à mesurer et les processus difficiles à définir et à décrire, les contextes dans lesquels la probation intervient varient aussi considérablement et de manière significative. Un élément du contexte serait le profil de la clientèle. Bien que la probation semble être plus efficace que l’emprisonnement en termes de réduction des nouvelles condamnations dans nombre de pays, la différence entre les taux de nouvelles condamnations est en très grande partie liée aux différences entre les populations des probationnaires et détenus, ce dernier groupe étant plus susceptible de subir une nouvelle condamnation. Lorsque les effets sur ces différences sont statistiquement contrôlés, la probation fournit de meilleurs résultats que la prison, mais les différences sont plus marginales que l’on voudrait – et nous ne savons pas si elles résultent des effets positifs de la probation ou des effets négatifs de la prison.

Un second facteur contextuel est le contexte social plus large. Il semble évident qu’un mandat de probation est plus susceptible de «fonctionner» si le probationnaire est motivé, a une famille qui le soutient, bénéficie de très nombreuses possibilités professionnelles sur un marché du travail florissant, a accès à d’excellents services de santé et services sociaux, dispose d’un logement sûr et décent, dans un lieu où la population est moins portée sur la punition et l’exclusion, etc. Dans de telles circonstances, ce qui pourrait sembler être des succès atteints par des services de probation efficaces pourrait en réalité être la conséquence du contexte social et structurel.

En effet, dans l’une des études visant à systématiquement explorer les liens entre probation et désistement, il est initialement apparu que la motivation de la probation et le contexte social étaient beaucoup plus significatifs dans l’explication du désistement que le contenu ou la qualité de la supervision. Cela dit, il est intéressant de constater que le même groupe d’anciens probationnaires a été suivi durant plus de dix ans et il s’est avéré que la probation peut et parvient parfois à avoir un effet positif, mais pas toujours aussi rapidement qu’on le souhaiterait.

Lorsque les agents de probation établissent de bonnes relations avec les probationnaires et effectuent un travail utile et constructif, ils parviennent à «semer les graines du changement» sans nécessairement «cueillir» les résultats. Cette manière de concevoir les effets de la probation – essentiellement comme une influence graduelle reposant sur la relation et qui favorise le développement positif de l’être humain – correspond davantage à la théorie du désistement et à la recherche en général, ainsi qu’à certains aspects traités dans la littérature émergente consacrée aux employés (who works?).

Ainsi, notre conclusion provisoire serait probablement que certaines formes et expériences de suivi en probation, mises en place d’une certaine manière par certains responsables d’accompagnement, peuvent et sont en mesure de favoriser le désistement et réduire le risque de récidive, mais que cet «effet» sera influencé non seulement par la manière dont nous mesurerons le changement, mais aussi par les contextes sociaux et relationnels œuvrant ou non en sa faveur.

5. Quels effets la probation a-t-elle sur la satisfaction des aspirations du grand public en matière de justice ou de punition?

par Rob Allen, Codirecteur de l’association Justice et Prisons (Royaume-Uni)

Les études consacrées aux réactions du public concernant la justice sont difficiles à interpréter, car les résultats des enquêtes dépendent dans une grande mesure de la formulation spécifique des questions posées. Une récente enquête menée au Royaume-Uni a permis d’établir que les quatre cinquièmes de la population considéraient les sanctions appliquées dans la communauté comme des punitions légères. Mais la plupart des gens ne connaissent pas les possibilités dont disposent les juges dans leurs juridictions. Même la probation, sanction appliquée dans la communauté la plus utilisée et la plus ancienne dans la plupart des pays, est peu connue par beaucoup de gens. Si l’on n’explique pas en quoi consistent en réalité les sanctions appliquées dans la communauté, il est difficile de savoir sur quoi la population base ses opinions concernant la contribution de la probation en matière de justice et de punition. Très peu de personnes mentionnent spontanément la probation comme moyen de réduire le crime en comparaison à la police ou même aux écoles.

Par ailleurs, il est important de recueillir des avis éclairés sur la probation en cette ère de «populisme pénal». C’est pourquoi, dans une enquête récente, les différentes activités de probation étaient d’abord expliquées avant de demander aux répondants leur opinion. Malgré des problèmes méthodologiques, il a été possible de dégager un certain nombre de résultats consistants. Premièrement, la recherche comparative montre que les réactions vis-à-vis des punitions varient largement entre les pays. Dans une étude réalisée en 2000, lorsqu’on demandait quelle condamnation prononcer pour un cas de cambriolage, la plupart des répondants en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas choisissaient la prison, alors que le travail d’intérêt général était l’option la plus populaire dans la majorité des pays d’Europe continentale et en Scandinavie.

Deuxièmement, lorsque des préoccupations étaient exprimées concernant la probation et les sanctions appliquées dans la communauté, elles étaient non seulement liées à l’adéquation de la punition, mais aussi à la qualité de leur mise en place. On considérait que les agents de probation ne faisaient pas un aussi bon travail que la police, et les délinquants étaient parfois perçus comme s’en sortant avec un suivi laxiste.

Troisièmement, ces réactions étaient plus souvent induites par les médias que par des expériences vécues. Les attitudes négatives envers les sanctions appliquées dans la communauté étaient adoptées deux fois plus souvent que les attitudes positives selon une étude menée sur les articles de presse anglaise, suggérant une hostilité bien ancrée. Une étude irlandaise a révélé que la couverture médiatique de la probation était la plupart du temps soit positive soit neutre, mais qu’il existait une récente évolution vers un ton plus négatif.

Il existe un certain nombre de voies à suivre afin d’accroître le soutien du public. Lorsque les travaux d’intérêt général sont porteurs de bénéfices tangibles pour un quartier, cela peut susciter une réaction positive de la part de la population locale. L’assignation à résidence et la surveillance électronique peuvent également trouver plus d’appui s’ils sont expliqués. Les gens acceptent aussi que certains types de délinquants aient besoin d’un traitement différent, notamment ceux souffrant de maladies mentales, de toxicodépendance ou les femmes avec des enfants en bas âge.

Il est important de noter que les arguments statistiques sur l’efficacité des sanctions non privatives de liberté ont généralement moins d’impact que les arguments sur les valeurs et les principes qui les sous-tendent: payer sa dette, réparer les préjudices et apprendre «comment les gens bien vivent» rencontraient un grand écho dans une étude récente. Il semble donc qu’il est nécessaire de faire appel à l’émotion que de mieux informer.

Mettre l’accent sur les aspects punitifs de la probation – par exemple, en faisant porter des dossards orange très visibles aux délinquants – pourrait par contre constituer une menace pour les valeurs fondamentales de la probation. La probation ne pourra probablement jamais restreindre la liberté ou punir les auteurs de délits comme la prison. Les tentatives visant à satisfaire les désirs du public en matière de justice doivent par conséquent également influencer les conceptions de la justice et acquérir un puissant contenu narratif sur le rôle de la probation.

6. Quels effets la probation a-t-elle sur l’intégration sociale (réinsertion) du délinquant?

par Maurice Vanstone (professeur émérite), Université de Swansea (Royaume-Uni)

Bien que le but de l’emprisonnement ne soit pas de causer des dommages permanents, il s’agit d’une souffrance infligée de manière délibérée par le système judiciaire et c’est de ce paradoxe que découlent les principaux problèmes de réinsertion des détenus.

La détention peut en effet avoir de nombreuses conséquences imprévues et, du fait de l’influence puissante de l’environnement social dans les prisons, elle peut compromettre les chances de réussite de la réinsertion. Par conséquent, il est essentiel de réparer les dommages causés par l’emprisonnement et de résoudre les problèmes que les détenus apportent en prison, si l’on souhaite qu’ils mènent ensuite une vie constructive et exempte de crime, et que la société soit protégée.

Que ce soit en Scandinavie, en Roumanie, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, les recherches menées depuis cinquante ans ou plus ont permis d’identifier les nombreux problèmes auxquels se heurtent les détenus, tels que le logement, le chômage, l’éducation, la famille, les addictions, la santé mentale, la gestion de la colère, les faibles aptitudes réflexives et de résolution de problèmes. Par ailleurs, les études ont montré que souvent les détenus issus de groupes ethniques minoritaires ont en plus été confrontés au problème de la victimisation, et que les femmes ont subi la violence de leurs partenaires, des agressions sexuelles, un isolement social et des automutilations.

Comme le confirment les réorientations politiques de la fin du XXe siècle (récemment en Roumanie), une réinsertion réussie passe par l’élimination de ces obstacles entre autres, par la consolidation des liens entre le détenu, sa famille et la communauté. Dans ses différentes formes à travers le monde, la probation a toujours été associée à ce type de travail.

Quels effets positifs la probation a-t-elle donc sur la réinsertion? Pour y répondre simplement, disons que les résultats cumulés de la recherche nous laissent dans le doute: comme Joan Petersilia l’a noté, il y a trop peu d’études reposant sur une méthodologie solide qui augmenteraient le degré de certitude.

Quoi qu’il en soit, en raison de la diversité des problèmes et des facteurs sociétaux, politiques et organisationnels qui interviennent, un travail de réinsertion réussi dépend inévitablement de la collaboration multi-institutionnelle ; la question est par conséquent mieux ciblée si l’on évalue la contribution de la probation à un processus de réintégration sociale plus large. Malgré ces incertitudes, les éléments disponibles mettent en lumière des aspects prometteurs dans le travail de la probation.

Selon les chercheurs, la contribution de la probation doit s’appuyer sur des résultats plus généraux fournis par des études portant sur ce qu’on appelle désormais le désistement du crime. En conséquence, en collaboration avec les proches, la probation devrait se centrer sur les problèmes liés à la commission de délits ainsi que sur les comportements et les idées qui ont conduit l’individu en prison, tout en favorisant et en stimulant un processus de changement initié par le détenu qui tient compte et reconnaît l’importance:

  • de la capacité individuelle à gérer les problèmes pratiques et personnels rencontrés (certains résultats de recherches portent à croire que les réactions négatives aux situations quotidiennes problématiques conduisent à la récidive) ;
  • des besoins spécifiques de l’individu (plutôt que de croire que tous les délinquants ont des besoins similaires) ;
  • de la contribution de la famille ou des autres personnes importantes faisant partie du réseau social de la personne ;
  • des stratégies visant à prévenir la rechute ; et
  • d’une réorientation appropriée vers d’autres institutions pouvant faciliter la réinsertion sociale.

Le potentiel de réussite de la stratégie de réinsertion sera en outre renforcé si le personnel de probation développe une certaine confiance et du respect, et:

  • offre une relation de travail qui s’inscrit dans la continuité ;
  • commence le travail avant la libération de l’individu, c’est-à-dire en détention ;
  • accompagne l’individu dans le processus de motivation en recourant à un programme cognitif motivationnel ;
  • aide l’individu à acquérir un vaste ensemble de compétences d’adaptation ; et
  • encourage l’individu à se faire accepter par la communauté en assumant la responsabilité de son comportement et en réparant ses torts grâce à une méthode basée sur les points forts qui fournit une aide concrète et pratique aux autres membres de la communauté (autrement dit,en devenant prosocial).

Enfin, les données disponibles indiquent qu’une telle aide devrait être renforcée grâce à l’accompagnement d’un mentor.

7. Quels effets la probation a-t-elle sur le plan de la réparation pour les victimes et les communautés?

par Leo Van Garsse, Université de Gand (Belgique)

Réparation
L’expérience montre que souvent les victimes se sentent insultées quand on leur promet qu’elles seront «réparées». Lorsqu’elles sont confrontées à cet «objectif», elles n’ont pas l’impression que leur vécu est pris au sérieux. C’est probablement la raison pour laquelle les victimes de crimes graves tendent, du moins au début, à rejeter les mesures ou approches réparatrices.

La directive du Parlement européen sur les droits des victimes est clairement basée sur ce genre d’expérience, soulignant le droit de la victime de refuser des mesures de réparation ou d’être protégée de leurs risques, plutôt que d’y avoir effectivement accès. Cela dit, cette attitude protectrice ne tient pas compte du constat important que plus le crime est grave, plus les victimes ressentent le besoin de se repositionner activement par rapport au drame et à ses conséquences. Il ne s’agit pas seulement d’être le récepteur passif d’informations ou de compensations, mais d’adopter une posture active qui soit pertinente pour le délinquant, le système de justice pénale et la société.

Certains spécialistes (dont moi-même) prônent un changement terminologique afin de remplacer la notion de «réparation» et «restauration» par celle de «co-implication respectueuse» lorsqu’il s’agit de rendre justice. On passe alors de la projection autoritaire d’un résultat désiré vers une invitation ouverte et axée sur le processus de renforcement de la capacité civique. La question fondamentale étant celle de l’identité personnelle: de qui avais-je l’air en faisant face à cet événement? Ce raisonnement a des conséquences d’ordre institutionnel et politique ; le citoyen (que ce soit une victime, un délinquant, ou juste un concitoyen) ne devrait pas être uniquement un consommateur de droits, mais un coacteur valable donnant sens à la justice.

«Victime» et «Communauté»
Les notions de «victime» et de «communauté» sont souvent utilisées, bien qu’elles ne soient pas clairement définies. Le concept de victime peut être défini au sens large comme «toute personne/organisation touchée par l’événement sur le plan économique, émotionnel, etc.». Cette définition large comprend les familles des auteurs de délits, les voisins, les amis, l’école, etc. La notion de «victime» peut également être limitée aux personnes reconnues par les autorités judiciaires comme parties officielles dans un cas spécifique.

Cette vision étroite néglige ou considère comme non pertinents les intérêts de nombreux citoyens, en éloignant le rendu de justice des réalités sociales. Une telle manière de procéder peut causer beaucoup de victimisation secondaire. Par ailleurs, les victimes «officielles» peuvent se sentir obligées d’être de «bonnes victimes» et de répondre aux attentes selon lesquelles elles doivent non seulement être matériellement atteintes, mais aussi moralement «choquées». Jouer le rôle de la victime, notamment dans les cas de délits mineurs, peut en effet être perçu par les «victimes» comme un fardeau: une responsabilité d’ordre éducationnel qu’elles doivent d’une certaine manière au (jeune) délinquant.

Le concept très anglo-saxon de «communauté» semble d’ailleurs de plus en plus flou dans nombre de sociétés urbanisées, bureaucratisées et multiculturelles. Cela rend l’idée d’une «communauté meurtrie nécessitant réparation» quelque peu artificielle, et est souvent perçu comme une excuse facile pour les interventions publiques. Ceci devient une évidence lorsque nous analysons les discussions portant sur le type d’activités pouvant être considérées comme du «travail d’intérêt général» ; bien trop souvent, ces discussions visent ce qui est susceptible de plaire à quelques citoyens seulement. Même l’entretien des jardins publics, un travail d’intérêt général souvent appliqué, repose sur un grand nombre de présupposés, rarement vérifiés à la lumière de la perception qu’ont les gens de la valeur et du sens de ce travail en termes de «faire le bien».

La notion de probation
Aussi longtemps que la probation sera appliquée comme un jugement prétendument indulgent dans les cas de délits mineurs commis par des jeunes ou par des adultes primodélinquants, elle sera condamnée à être perçue comme une faveur ne prenant pas au sérieux ni le point de vue des victimes ni la responsabilité du délinquant envers la société.

Le fait d’obliger le délinquant à indemniser la victime, à recourir à la médiation, ou à faire «quelque chose pour la communauté» suppose inévitablement que la victime ou la communauté ont des besoins et des attentes correspondant à leur rôle dans cette approche autoritaire et vaguement éducative.

Selon ce raisonnement, les critères déterminant quels cas conviennent pour la probation ne devraient pas être une affaire de réglementation publique ou de sélection contraignante par des experts professionnels, mais devraient plutôt découler d’un processus tenant compte et appuyant les motivations individuelles et sociales ainsi que les aptitudes civiques des personnes concernées: les victimes, les délinquants et les communautés auxquelles ils appartiennent. Et cette manière de procéder ne devrait même pas exclure les cas les plus graves.

Il n’y a en effet aucune raison, qui ne soit idéologique et antidémocratique, d’empêcher les personnes impliquées de contribuer de manière constructive à leur intégration dans le monde des réalités courantes. À cet égard, la valeur de la probation pourrait résider non pas dans le fait de fournir des solutions «faciles», mais dans la mise en avant de défis humains et sociopolitiques de grande portée et dont l’issue est incertaine.

Une telle approche ne conçoit pas la probation comme un ensemble de mesures alternatives à la «vraie» punition, mais comme un appel à la participation civique, respectueuse de la protection légale et ouverte à l’implication et au contrôle du public dans la mise (et remise constante) en pratique de la notion de «justice» dans une société démocratique. Ce genre de justice laisse le champ libre à la réparation, non pas comme un moyen facile d’obtenir compensation ou indemnisation, mais comme un processus de repositionnement par rapport à l’acte criminel et à ses conséquences – et à ses concitoyens.

Ce défi pédagogique ne concerne pas seulement l’auteur du délit et la victime. Nous le concevons plutôt comme une approche sociopédagogique, invitant les divers environnements sociaux (incluant la victime et l’auteur du délit) à soigneusement examiner et à progressivement élargir leurs capacités à répondre au crime, et à contribuer de manière constructive au processus de définition et redéfinition de la règle sociale dans un état démocratique de droit.

8. Comment les délinquants perçoivent-ils le suivi de probation auquel ils sont soumis?

par Ioan Durnescu, Université de Bucarest (Roumanie)

Bien que le suivi de probation des délinquants ait déjà une longue histoire, le nombre d’études examinant l’expérience subjective des personnes surveillées est encore limité.

Il est évident que la manière de vivre la surveillance est influencée par un ensemble de facteurs. Certains d’entre eux résultent de la manière dont les sanctions sont conçues. D’ailleurs, la surveillance devient de plus en plus sophistiquée et s’appuie toujours davantage sur la technologie. La surveillance électronique en constitue un bon exemple.

Certains pays ont arrêté d’exiger le consentement du délinquant lorsqu’il s’agit de certaines formes de surveillance (telles que l’ordonnance communautaire [angl. Community Order] en Angleterre et au Pays de Galles). Dans beaucoup de pays, le nombre de conditions et d’obligations liées à la surveillance a tellement augmenté que certains estiment que la surveillance commence à ressembler à une «prison virtuelle».

Un autre ensemble de facteurs, qui semble agir sur la manière de vivre la surveillance, concerne la façon dont la pratique de surveillance est conçue. Si la pratique est perçue comme légitime et transparente, les délinquants ont alors tendance à voir la surveillance comme une excellente occasion de commencer une nouvelle vie et d’éviter la prison. En outre, si la surveillance est décrite comme axée sur la résolution de problèmes ou sur les besoins sociaux des délinquants, elle est alors jugée utile par ceux qui y sont soumis. Il en est de même lorsque le personnel de probation est considéré sensé, ouvert, souple et fiable. Mais l’inverse est également vrai ; si les délinquants perçoivent la surveillance comme manquant d’équité procédurale ou trop intrusive, ils ont alors tendance à en avoir une vision négative.

Des tensions sont aussi observées dans le cadre de la surveillance électronique. Alors que certains délinquants apprécient le fait de pouvoir éviter la prison et de vivre une vie «proche de la vie normale», d’autres considèrent que la surveillance électronique les soumet à une pression psychologique en termes de stress, de peur et de tentation.

Le même constat s’applique au travail d’intérêt général. Des études montrent que les délinquants jugent cette sanction utile et sentent qu’elle les enrichit sur le plan personnel. Mais en même temps, d’autres études indiquent que certains délinquants trouvent difficile de s’engager à long terme et ont du mal à accepter de travailler sans rémunération.

La plupart des études réalisées sur l’expérience de surveillance semblent reposer sur un nombre limité de sujets et d’entretiens approfondis avec des délinquants. Il est maintenant clair que si l’on souhaite saisir toute la complexité des interactions entre auteurs de délits et personnel chargé du suivi de probation, de nouvelles méthodologies ethnographiques doivent être élaborées à l’avenir.

Heureusement, les chercheurs relèvent actuellement ce défi, de sorte que nous devrions sous peu en savoir beaucoup plus sur la perception et le ressenti des personnes sous surveillance, ainsi que sur l’impact que cette expérience a sur eux et leur entourage.

9. Quel est l’impact du travail d’intérêt général?

par Gill McIvor, Université de Stirling (Royaume-Uni)

Le travail d’intérêt général – qui exige que les délinquants effectuent un certain nombre d’heures de travail non rémunéré au profit de la collectivité – constitue une sanction fréquente dans les juridictions occidentales. Il est possible de l’appliquer à différents moments du processus de justice pénale. Alors que la plupart du temps il s’agit d’une alternative à la sanction privative de liberté ou d’une sanction communautaire à part entière, dans certaines juridictions, les délinquants peuvent être obligés à effectuer des travaux non rémunérés au lieu d’aller en prison, pour défaut de paiement ou comme alternative aux poursuites judiciaires. Les travaux sont réalisés pour des bénéficiaires individuels ou pour des organisations à but non lucratif et consistent en des services personnels ou, plus généralement, en des travaux pratiques.

Les objectifs pénaux du travail d’intérêt général ont fait l’objet de grands débats et l’importance relative accordée à la punition, à la réparation et à la réinsertion varie entre juridictions et dans le temps au sein des juridictions. Une comparaison récente des pratiques en matière de travail d’intérêt général dans des juridictions européennes a permis d’établir qu’une importance croissante est accordée aux aspects rétributifs du travail non rémunéré (par exemple, en donnant la priorité aux travaux exigeants et manuels «visibles») dans le but d’obtenir le soutien public et judiciaire, alors que les objectifs de réinsertion se focalisent désormais plus étroitement la réduction de la récidive.

Étant donné la variété de ses objectifs, l’impact du travail d’intérêt général peut être évalué de diverses manières. D’un point de vue très pratique, les travaux réalisés par des délinquants peuvent être quantifiés aussi bien financièrement qu’en nombre d’heures, et peuvent souvent être considérés comme porteurs de bénéfices concrets, tels que l’amélioration des infrastructures locales. À un niveau interpersonnel, des interactions entre les personnes qui réalisent les travaux et celles qui en bénéficient ont lieu au quotidien, même si la nature et l’impact – positif ou négatif – de ces interactions restes peu connus.

Certains résultats de recherche portent à croire que le fait de restituer quelque chose à leurs communautés est porteur d’un potentiel «générateur» et de réinsertion pour les délinquants. Par exemple, il est établi que les délinquants apprécient les possibilités d’acquérir de nouvelles compétences et d’effectuer des travaux valorisés par les bénéficiaires, et ceux qui perçoivent de manière plus positive le travail d’intérêt général sont moins susceptibles de récidiver.

Le travail d’intérêt général peut avoir un effet réintégratif lorsqu’il permet aux délinquants de continuer à travailler avec des organisations communautaires de manière volontaire (et parfois rémunérée), une fois qu’ils ont terminé les travaux ordonnés par la justice.

Concernant la récidive, bien que des données supplémentaires soient nécessaires, quelques résultats de recherches montrent que le travail d’intérêt général est plus efficace que l’emprisonnement. Par exemple, si l’on tient compte d’un ensemble de variables pertinentes, les données du gouvernement écossais indiquent des taux de récidive plus faibles parmi les personnes contraintes à des travaux d’intérêt général que parmi celles condamnées à des peines privatives de liberté, notamment en ce qui concerne les délinquants avec des antécédents criminels plus lourds.

Une étude sur le travail d’intérêt général en Suisse a révélé des taux de récidive plus faibles parmi les tigistes, surtout parmi ceux qui considéraient leur sanction juste, alors qu’une étude réalisée aux Pays-Bas a constaté des taux de récidive plus faibles lorsqu’il s’agit des délits contre la propriété et des crimes violents parmi les délinquants ayant été condamnés au travail d’intérêt général, et ce pendant une période de plus de huit ans.

10. Quels sont les coûts et les bénéfices de la probation?

par Faye S. Taxman, Université George Mason (États-Unis)

En tant qu’instrument communautaire de sanction des auteurs de délits, les services de probation offrent un éventail d’avantages à trois niveaux: le délinquant lui-même, la communauté au sens large, et le système de justice. Le délinquant reste dans la communauté pendant qu’il s’acquitte de sa dette envers la société, tout en continuant à assumer ses responsabilités civiques, telles que l’emploi, la vie de famille, et son rôle dans la communauté. Le probationnaire peut également recourir à des ressources de la communauté pour régler les problèmes de toxicomanie, santé mentale, emploi, etc. – des ressources qui devraient permettre à l’individu d’assumer son rôle de citoyen.

Les services de probation s’appuient sur ces ressources de la communauté et peuvent contribuer à la création d’organisations communautaires répondant aux besoins plus généraux de la communauté, tels que des services de santé comportementale, la prévention des phénomènes de gangs, renforcement du désistement, l’aide au logement, et les réseaux de soutien social. Les organisations communautaires, aussi bien gouvernementales qu’à but non lucratif, constituent d’importantes ressources pour les services de probation et les probationnaires, puisqu’elles aident ces derniers à s’acquitter de leur dette envers la société grâce au travail d’intérêt général. Par ailleurs, les organisations peuvent fournir des prestations de soutien aux probationnaires qui les préservent d’un engrenage dans le système judiciaire.

La flexibilité de la probation (dans certaines juridictions) – en tant que sanction autonome ou module auquel s’ajoutent des composantes pertinentes tels les facteurs influençant le comportement délictuel et pouvant accélérer le renoncement à une vie criminelle – constitue un atout. Le probationnaire peut apporter sa contribution à la communauté en payant des amendes, des frais de probation (dans quelques juridictions), des indemnités, ou grâce à d’autres moyens financiers.

Le système judiciaire peut recourir à la probation pour atteindre des objectifs en matière de désistement du crime, en centrant les conditions de probation selon les facteurs qui permettent au délinquant de payer sa dette envers la société, en atténuant les facteurs qui favorisent l’activité criminelle, et en permettant au délinquant d’acquérir de nouvelles compétences (culturelles, professionnelles, parentales, etc.) pour pouvoir contribuer à la vie en société.

Les coûts de la probation sont aussi divers que ses bénéfices. Le personnel de probation, et notamment les agents de probation, ainsi que les infrastructures physiques représentent le plus gros de coûts. Le personnel de probation est moins onéreux que des cellules de prison, étant donné qu’il n’y a pas besoin de rémunérer du personnel actif 24 heures sur 24, ni de fournir un espace physique sécurisé pour enfermer un délinquant. Cela dit, l’attribution d’un trop grand nombre de cas à traiter au personnel de probation peut, mais uniquement de manière artificielle, réduire les coûts effectifs de la probation.

Plus la charge de travail du personnel de probation sera lourde, moins il sera possible pour ce dernier de mettre en œuvre des pratiques efficaces, telles que la gestion des risques, la mise en œuvre d’une «alliance de travail» (avec le probationnaire) pour créer un climat de confiance et d’équité, la gestion de cas et un service de personnes de référence, ou le maintien d’un certain niveau de prestations. Les agents de probation peuvent atteindre beaucoup des objectifs d’une sanction, pour autant qu’ils disposent de suffisamment de temps pour gérer les risques et les besoins criminogènes des probationnaires.

Des coûts connexes de la probation sont également engendrés par les prestations permettant d’intervenir dans les problèmes de toxicomanie, santé mentale, emploi, éducation, etc. Le coût de la probation dépend entièrement du volume de cas traités et du degré d’utilisation d’un dispositif d’indication des délinquants par les agents de probation aux autres services communautaires. Dans certaines juridictions, ces coûts sont parfois compensés par le revenu engendré par des pénalités financières, telles qu’amendes, frais de probation, frais de dépistage de drogues, indemnisations, et tout autres frais ordonnés par le tribunal.

La probation est une sanction pouvant profiter à la communauté sans surcharger le système sur le plan des ressources à fournir. Mais le système peut nuire aux capacités de la probation en surexploitant les ressources et en accumulant les conditions à remplir par les probationnaires, rendant ainsi la sanction plus pénible. La probation est souple en termes d’objectifs, opérations et bénéfices. Une évaluation de ses coûts et bénéfices doit accorder une attention particulière à la manière dont la probation est mise en œuvre dans un contexte donné, et à l’articulation des buts poursuivis.